Hier à Palmarolle: l’abbé Éphrem Halde (1e partie)

Hier à Palmarolle: l’abbé Éphrem Halde (1e partie)

lun, 28/02/2022 - 08:16
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Vers minuit, le dimanche 13 août 1922, le nouveau vicaire de La Sarre, qui remplace le curé Lalonde parti pour Haileybury à sa retraite annuelle, est réveillé subitement par des coups répétés à la porte du presbytère.

L’abbé Ephrem Halde vient répondre. L’homme qui est là se présente comme le batelier Xavier Couillard, du canton Palmarolle. Il dit comme ça: « M. l’abbé, je m’en viens chercher le prêtre pour la femme d’Héras Richard de par chez nous. On craint qu’elle n’en ait guère pour longtemps. C’est de valeur car elle va laisser des orphelins, dont un enfant de trois jours. »

« C’est bien », fait le ministre de Dieu sans poser une question, « attendez-moi, je reviens dans quelques minutes. » Sitôt dit, il regagne sa chambre, endosse sa soutane ainsi que le surplis sans manches, va à l’église quérir le Saint-Viatique puis revient au presbytère. Et l’on se met en route par voie d’eau. Le nouveau vicaire entre ainsi de plain-pied dans le ministère en pays de colonisation. Il connaît de nom le canton Palmarolle mais il ignore quelle distance et quel chemin il lui faudra parcourir. Il n’y a pas à dire vraiment: l’abbé Halde est bien étrenné en pays neuf.

Mais ce prêtre est bâti pour les grandes tâches: sa haute stature, ses épaules solides, ses larges mains en sont la promesse; ses yeux, qui sont bleus, indiquent d’ailleurs que cette puissante carrure est au service d’un jugement sûr, d’un esprit réaliste.

L’abbé Halde n’est à La Sarre que depuis le 2 août quand il est ainsi réveillé dans la nuit pour aller aux malades. Il est tout jeune prêtre car Mgr Gauthier l’a ordonné le 29 juin précédent en la cathédrale de Montréal. Il a fait ses études secondaires à Saint-Hyacinthe et sa théologie chez les Sulpiciens. C’est un fils de terriens. Jusqu’à sa mort, survenue en 1918, Azarie Halde, son père, a cultivé la terre à Saint-Hilaire de Rouville et c’est là que le 17 juillet 1896 Emilia Brodeur donnait le jour au futur lévite.

François Halde, le premier du nom au Canada, était aussi cultivateur. Parti de Membrolle en Anjou, il s’était établi à Lévis. C’est sans doute son ascendance terrienne qui a incité l’abbé Halde à opter immédiatement pour le ministère en Abitibi. Il s’amenait donc à La Sarre le 2 août 1922. Sa vie s’identifiera désormais avec cette région dont il contribuera pour sa large part au progrès.

Ainsi donc quand l’abbé Halde s’embarque en pleine nuit avec Xavier Couillard, on ne peut pas dire que c’est pour un voyage d’agrément. Le fait qu’il porte sur lui, pour la première fois, le Dieu de l’Hostie, fait au jeune prêtre un devoir de ne point converser avec un autre. Le batelier ne voit dès lors rien de mieux à faire de son côté que de fumer sa pipe en dirigeant sa barque à moteur.

Qu’il est éloquent tout de même dans son grand silence, ce voyage nocturne sur la rivière La Sarre, le lac Abitibi et la Dagenais! Il est éloquent même s’il a pour uniques témoins les brillantes étoiles du merveilleux ciel abitibien, qui se mirent dans l’eau, semblant avoir pour mission, cette nuit-là, de servir de flambeaux au divin Voyageur dans son pèlerinage en pleine forêt! Le jeune vicaire et son nautonier connaissent le prix de leur sacrifice: ils savent que de son accomplissement dépend la préparation de deux âmes pour le Ciel. Et deux âmes de pionniers abitibiens valent les âmes de résidants des vieilles paroisses.

Il reste quand même que la randonnée s’accomplit dans un silence à la longue écrasant par cette nuit déjà fraîche. Toutefois, le prêtre ne s’inquiète pas, même s’il ne sait trop où on le conduit: il a confiance en ses deux guides. Une heure, deux heures, trois heures s’écoulent ainsi et le Porte-Dieu se fait toujours un devoir de rester muet. Mais voici qu’aux premières lueurs du jour l’abbé Halde aperçoit, du lac Abitibi, l’embouchure d’une rivière. C’est la Dagenais. La barque s’y engage. Seulement, de distance en distance, des billots obstruent complètement le cours d’eau de sorte que le batelier doit, avec peine et misère, frayer un chemin à son embarcation à travers ces étendues de bois destiné aux scieries de La Sarre.

Quand on a franchi ainsi environ quatre milles de la rivière, Couillard stoppe en face d’un moulin à scie très rudimentaire construit de l’année précédente. On est à Palmarolle. Deux camps en bois rond se dressent non loin de la scierie: l’un abrite les chevaux tandis que dans l’autre s’entasse une partie de la population locale. Un troisième bâtiment, en planches celui-là, apparaît un peu en retrait du « monde des affaires »: c’est la maison d’Héras Richard.

À suivre